
Ce texte
est ni une théorie, ni une vérité sur le cinéma ; mais une simple analyse de
la mémoire de mon expérience cinématographique. Un
cinéaste est peut-être quelqu'un qui ressent le besoin de voir d'un point de
vue singulier. C'est en
forêt, dans la Corrèze de mon enfance, que ce désir est né. À l'époque
(et aujourd'hui encore) je grimpais dans les arbres. L'engagement
de mon corps dans ces ascensions arboricoles se faisait sous le contrôle de
la loi de la pesanteur. Elle m'attirait au sol alors que je cherchais à m'élever à la cime de l’arbre. J’avais le désir de voir d'un certain point de vue. Lorsque
j'atteignais la cime, le paysage s'offrait à moi. J'aimais
voir loin et au-delà de l'horizon j'imaginais la suite du paysage. La chute
était constamment présente à mon esprit et dans mon corps gouverné la loi de
l’attraction terrestre. Cette expérience fortifiait ma vision en la rendant plus intense. L'ensemble
de ma personne était réunifié et mobilisé pour mes yeux. La menace permanente de la chute
mélangée à un sentiment de sérénité m'habite encore aujourd'hui lorsque je
filme Lorsque que j'intercale une caméra entre mon oeil et le réel, il est toujours
question d'équilibre du corps, de force du regard et du danger. Ces
montées répétées, ces séances de "voir loin", ont certainement
joué un rôle majeur dans mon rapport à l'image.